2016 – Prestige

« La passion du beau dans le respect de la matière : Olivia de Pazzis Hanemian », Revue Prestige, Mars / Avril / Mai 2016

Difficile de parler d’une artiste qui préfère l’ombre à la lumière et qui ne se reconnait pas comme telle. Heureusement, ses créations et son parcours parlent pour elle. Itinéraire d’Olivia de Pazzis Hanemian, créatrice designer atypique pour qui la main qui crée n’est que le reflet du cœur et de la réflexion.

C’est au Salon Maison & Objet qui vient de fermer ses portes à Paris que l’on a pu rencontrer Olivia de Pazzis Hanemian. Cette créatrice designer française avait, en effet, profité de ce rendez-vous incontournable des professionnels de la décoration pour y présenter My Myanmar & you, une nouvelle ligne de mobilier design, conçue et dessinée par elle et lancée avec ses trois associés, Hnin Aye Nyein, Erwan Croixmarie et Jean Hanemian. « My Myanmar & you est une histoire de rencontres » aime à souligner Olivia de Pazzis Hanemian. C’est en effet, la rencontre entre un couple d’architectes designers français, Olivia et Jean Hanemian, et un couple franco-birman spécialisé dans l’agencement intérieur de luxe, Hnin Aye Nyein et Erwan Croixmarie (ce dernier se trouvant à la tête du groupe familial Croixmarie spécialisé en ébénisterie et fabrication de mobiliers sur mesure à la demande des plus grands décorateurs et architectes français et internationaux). C’est aussi la rencontre entre le design français et la culture et l’artisanat birmans. « J’ai toujours été intéressée par le travail des artisans qui ont su développer des savoirs faire en fonction de leurs ressources. Je suis attirée par tout ce qui est lié à la tradition, qui redonne au temps sa place, et à l’homme son ancrage », constate Olivia de Pazzis Hanemian.

Retour à l’origine des usages

« Pour la ligne Myanmar & you, j’ai voulu revenir à l’origine de l’usage et de la mobilité pour créer des meubles intemporels » explique Olivia de Pazzis Hanemian. Dans cette première collection présentée au Salon Maison & Objet, des coffres massifs aux ouvertures secrètes et multiples, à la fois souvenir des premières armoires du Moyen-Age, fourre-tout de la mémoire, plaisir de la découverte, grenier de l’enfance, avoisinent des paravents, créateurs d’intimité, abri des regards, protecteur d’instants de vie, de lieu d’activités, indépendance à partager, en teck massif, porteurs de plateaux-étagères mobiles ou tendus de tissus birmans. Un banc, assise originelle de l’homme depuis le tronc tombé dans la forêt, tout en bois de teck massif sculpté dans la masse, côtoie des petits mobiliers de compagnie, depuis un vide poche à deux pieds jusqu’à une table basse protégeant trois petites tables ou trois petites assises, en passant par une petite table de lit, compagnon de la nuit. Tous ces meubles, Olivia de Pazzis Hanemian a voulu qu’ils soient réalisés dans des matériaux nobles : le teck massif pour sa densité, le bambou à la fois pour son extrême légèreté et sa solidité. « .Le bois de teck en provenance de Birmanie est le plus qualitatif au monde. Ceux que nous utilisons ont, de plus, été vieillis pendant des années dans des entrepôts installés à Yangon, l’ancienne capitale de la Birmanie, l’actuel Myanmar. Le temps donné au bois pour sécher et prendre sa forme presque définitive, permet une finition naturelle qui met en valeur les veines et les couleurs du bois, sans autre décor» explique Olivia de Pazzis Hanemian.

A la recherche du mobilier perdu

Si My Myanmar & you représente une nouvelle étape dans le parcours professionnel d’Olivia de Pazzis Hanemian, elle en exprime également la continuité. Son diplôme de l’école Camondo en poche, elle avait rapidement remporté le prix de la Fondation de la Création des Galeries Lafayette en 1987 pour son projet de table-console. Suivent alors la création d’un canapé, d’un secrétaire, d’un vide-poche, d’un tabouret, que le SAD (le Salon des Artistes Décorateurs) exposera jusqu’en 1990. Par la suite, elle réalisera de nombreux meubles dans des projets d’architecture intérieure (meubles d’attente, de conférence, de rangement, banques d’accueil, bureaux, meubles bar, présentoirs,…) mais aussi des meubles individuels. Un de ses bureaux sera édité chez Harto Design, ses tapis chez Chevalier-Parsua. Toutes les créations d’Olivia de Pazzis Hanemian ont en commun la recherche des matières, des couleurs, des formes. Et pour mieux répondre aux exigences d’ergonomie, n’est-elle pas allée jusqu’à prendre des cours d’anatomie ?

Dans le respect d’autrui

Ce respect d’autrui est une constante chez Olivia de Pazzis Hanemian. On le retrouve dans les projets d’architecture d’intérieur ou de scénographies qu’elle a été amenée à réaliser ces dernières années, d’abord avec son propre bureau d’architectes d’intérieur puis, à partir de 1987, en tant que partenaire de l’agence Hanemian, une agence créée par l’architecte Jean Hanemian, son mari. Au fil des ans, elle est intervenue dans tous les secteurs (logements, bureaux, centres commerciaux, commerces et boutiques, hôtels, espaces médicaux, espaces de loisirs, centres de séminaires et d’exposition, agences de publicité, aménagements d’appartements,…), à la fois dans des bâtiments neufs ou dans le cadre des rénovations, depuis la phase de conception jusqu’à la phase de réception du projet, apportant à chaque fois son talent pour sentir les espaces et la lumière, son intuition pour assembler matières et couleurs. Figurent au nombre de ses projets, l’aménagement et la décoration de l’atelier et de la boutique de vente du couturier Mattera à Paris, et toujours dans la capitale, la décoration du showroom « Tapis Rouge », l’aménagement de la Galerie Chevalier à Paris (atelier de restauration et de vente de tapis anciens), de l’Office de Tourisme de Malaisie, des bureaux Axa, rue de Miromesnil, de la clinique Aumont à Versailles, d’un centre médical à Levallois-Perret. « Chaque projet, quel que soit sa taille, parce qu’il appelle un travail sur les matières spécifique, un assemblage des couleurs et des lumières adapté, un agencement des espaces unique, demande du temps, de la réflexion et beaucoup d’écoute et ne peut se faire que dans le plus grand respect des attentes des personnes qui vivront, travailleront, se réuniront ou flâneront dans ces nouveaux lieux » explique Olivia de Pazzis Hanemian. « C’est aussi cela qui fait la richesse de notre métier : savoir garder l’humain au coeur » ajoute-t-elle.